IkadJuris

Le bail a usage professionnel en droit OHADA

Le bail à usage professionnel désigne toute convention, écrite ou non, entre une personne investie par la loi ou une convention du droit de donner en location tout ou partie d’un immeuble, et une autre personne physique ou morale, permettant à celle-ci, le preneur d’exercer dans les lieux avec l’accord du bailleur une activité commerciale industrielle artisanale ou toute autre activité professionnelle (Article 103 AUDCG).

Historique : L’acte uniforme de 1997 parlait de bail à usage commercial. Même si le bail commercial avait été élargi à « toute activités commerciale, industrielle, artisanale ou professionnelle » l’appellation de bail à usage commercial avait été gardée tel quel. Mais avec la réforme de 2015 la notion de bail commercial a été abandonnée au profit de la notion de bail professionnel. Désormais le nouveau statut du bail s’applique à toute activité professionnel quelle qu’elle soit à condition qu’elle soit professionnelle

Champ d’application : Le bail à usage professionnel ne peut être consenti que sur certaines catégorie d’immeuble à savoir

Les locaux ou immeuble destiné à un usage professionnel, les locaux accessoires dépendant des locaux ou immeuble à usage professionnel, et les terrains nus sur lesquels ont été édifiées, avant ou après la conclusion du bail, des constructions à usage professionnel à condition que ces constructions aient été élevées avec l’accord du bailleur (Article 101 AUDCG).

NB : pour les locaux accessoires qui ont un propriétaire dont l’identité est distincte du propriétaire du local principal, il est nécessaire que cette location soit faite en vue de l’utilisation jointe des deux locaux par le preneur et que la destination du local accessoire soit connue du bailleur au moment de la conclusion du bail.

Exclusion : Les baux des terrains nus sont exclus du statut du bail professionnel même si une activité professionnel y est exercé. Ils ne pourront bénéficier du statut du bail professionnel que si des constructions y ont été élevées avec l’accord du bailleur. Le bail d’habitation est aussi exclu du champ d’application du bail professionnel.

Formalisme : Le bail professionnel n’a pas besoin de l’écrit pour exister. L’écrit n’est pas une condition de validité. Il existe donc une présomption légale du bail à usage professionnel.

Elément de qualification du bail professionnel : ils sont au nombre de trois

  • Un immeuble pouvant faire objet d’un bail professionnel
  • Une activité professionnelle
  • L’accord du bailleur

Durée du bail : la loi ne prévoit aucune durée maximum ou minimum du bail. La liberté est laissée aux parties de déterminer la durée du bail. Il peut être à durée déterminée ou indéterminée. En cas d’absence d’écrit ou de défaut terme fixé le bail est réputé être à durée indéterminée (Article 104 AUDCG).

Obligations des parties :

*Obligation du bailleur :

-obligation de délivrer les locaux en bon état (Article 105 AUDCG)

-obligation de prendre en charge les grosses réparations (Article 106 AUDCG)

-obligation de garantir au preneur une jouissance paisible des locaux (Article 109 AUDCG)

NB : L’AUDCG définit la notion de grosses réparation comme les réparations des gros murs, des voûtes, le rétablissement des poutres. Celles des murs de soutènement et de clôture aussi en entier. Cette énumération n’est pas limitative.

*Obligations du preneur

-Obligation de payer les loyers convenus (Article 112 AUDCG)

-Obligation d’entretenir les locaux loués (Article 113 AUDCG)

-Obligation d’effectuer les réparations locatives (Article 114 AUDCG)

Continuité du bail : le bail ne prend pas fin par la cession des droits du bailleur (vente, donation, apport en société, expropriation). Le bail est opposable au nouveau propriétaire qui est substitué de plein droit dans les obligations de l’ancien bailleur et doit donc poursuivre l’exécution du bail (Article 110 AUDCG).

Le bail ne prend pas fin par le décès du bailleur ou du preneur. En cas de décès du preneur le bail continue avec son conjoint ses ascendant ou descendant en ligne directe. Ces derniers devront en faire la demande au bailleur par tout moyen permettant la réception effective du bailleur dans un délai de trois mois à compter du décès. Si à l’expiration des trois mois aucune demande n’a été formulée à l’endroit du bailleur, le bail est résilié de plein droit (Article 111 AUDCG).

Dans le cas de la liquidation de la société preneuse, le liquidateur doit continuer à exécuter les obligations du preneur. Le bail ne sera résilié que si après une mise en demeure adressée au liquidateur celui-ci ne réagit pas pendant un délai de soixante jours.

Cas particulier des cessions et sous location :

Cession du bail : on distingue la cession du bail accompagné d’une cession d’activité (cession du bail avec fond de commerce) et cession du bail sans cession d’activités (cession du bail sans fonds de commerce).

Cession du bail consécutive d’une cession d’activité : Si le preneur cède le bail et la totalité des éléments permettant l’activité, la cession s’impose au bailleur. On parle de cession de plein droit (Article 118 alinéa 1 AUDCG).

Cession de bail sans cession d’activité : Si le preneur cède le bail seul ou avec une partie des éléments permettant l’activité, la cession est soumise à l’accord du bailleur. On parle de cession négocié (Article 118 alinéa2 AUDCG).

Toute cession de bail doit être signifié au bailleur à peine de nullité de l’acte de cession. Le bailleur dispose d’un délais d’un mois pour s’opposer à la cession de plein droit (Article 12O alinéa 1 AUDCG).

Le bailleur dispose aussi d’un mois pour accepter ou refuser la cession négociée. Le délais d’un mois cours à compter la signification de la notification de cession. Si à l’expiration du délais il n’a donné aucune réponse alors son silence vaudra acceptation de la cession négocié (Article 12O alinéa 3 AUDCG).

Sous-location : La sous-location est interdite sauf si les parties en décident autrement dans le contrat de bail (Article 121 AUDCG).

Conséquence de la sous-location : si le loyer de la sous location est supérieur au loyer du bail principal, le bailleur a le droit d’exiger l’augmentation du loyer du bail principal.

Renouvellement du bail professionnel : le preneur a droit au renouvellement du bail professionnel à condition qu’il ait exploité son activité dans les locaux pendant au moins deux ans (Article 123 alinéa 1 AUDCG).

En cas de renouvellement, la durée du bail ne peut être inférieur à trois ans (Article 123 alinéa 3 AUDCG).

Lorsque le renouvellement est à durée indéterminé les parties doivent prévoir une durée de préavis qui ne peut être inférieure à six mois (Article 123 alinéa 4 AUDCG).

Dans le cas d’un bail à durée déterminée le preneur qui désire renouveler son bail doit demander le renouvellement au moins trois mois avant l’expiration du bail, auquel cas il perd son droit au renouvellement (Article 124 alinéa 1 AUDCG).

Le bailleur doit répondre à la demande de renouvellement dans le mois qui suit l’expiration du bail, auquel cas il est considéré comme avoir accepté le renouvellement.

Opposition au droit au renouvellement : le bailleur peut s’opposer au droit au renouvellement du bail au profit du preneur. Mais il devra verser une indemnité d’éviction qui est fixé par la juridiction compétente, sauf :

S’il justifie d’un motif grave et légitime à l’encontre du preneur,

S’il envisage de démolir l’immeuble et de le reconstruire, dans ce dernier cas deux possibilités se présentent : si le bailleur démoli l’immeuble pour le reconstruire alors le preneur dispose d’un droit de priorité pour occuper l’immeuble à la fin des travaux. Si le bailleur décide de démolir l’immeuble objet du bail pour le reconstruire et l’affecté à une autre activité alors il devra payer une indemnité d’éviction au preneur.

Le bailleur peut aussi refuser le renouvellement sur les locaux accessoires s’il envisage d’y habiter lui-même ou ses ascendants, descendant, son conjoint. Dans ce cas il ne paiera aucune indemnité d’éviction au preneur. Le preneur peut aussi refuser la reprise des locaux accessoire s’il arrive à justifier que leur reprise lui causerait un préjudice ou lorsque les locaux principaux et accessoires forment un tout indivisible (Article 128 AUDCG).

Résiliation du bail : la résiliation ne peut intervenir qu’en cas de manquement par l’une des parties à ses obligations.  

Cas du bail a durée indéterminée : obligation pour la partie qui veut résilier le contrat de donner congé au moins six moi à l’avance, par un moyen permettant d’établir la réception  effective par le destinataire.

CAS PRATIQUE

1-      Monsieur X entreprenant aimerai louer un terrain nu pour y développer son activité. Il vous consulte pour savoir s’il peut bénéficier d’un bail à usage professionnel. Qu’en pensez-vous ? évaluez toutes les hypothèses possibles.
2-      Monsieur X commerçant exerce son activité commerciale dans les locaux de madame Y. Pendant la durée du bail aucun contrat n’a été rédigé entre les parties. Monsieur X vous consulte pour savoir s’il peut bénéficier du statut des baux commerciaux sans contrat écrit.
3-      Monsieur x exerce une activité professionnel dans les locaux de monsieur Z. Le contrat de bail a été signé pour une durée d’un an. A la fin du contrat, monsieur Z ne souhaite pas renouveler le contrat de monsieur X. ce dernier exige un renouvellement aux motifs qu’il s’agit d’un bail à usage professionnel qui lui donne droit au renouvellement de son bail. Qu’en pensez-vous ?
4-      Le pari politique KP a son siège dans un immeuble appartenant à monsieur X depuis 2015 et pour une durée de sept ans. En 2022 le parti KP demande a monsieur X, le renouvellement du bail. Ce dernier est-il dans l’obligation d’accepter ?
5-      Madame X est propriétaire d’un immeuble qu’elle a loué à monsieur A pour l’exercice de l’activité professionnelle de ce dernier. Le bail a été consenti pour deux ans. Les parties souhaitent renouveler le bail pour une durée de deux ans. Qu’en pensez-vous ?
6-      Monsieur Y dans le cadre du développement de ses activités a pris à bail un immeuble de madame A. Dans le souci de vite intégrer les locaux, monsieur Y a signé le contrat sans formuler de réserves sur l’état des locaux. Lors de l’intégration des locaux monsieur Y constate que l’immeuble n’est pas en bon état. Il exige donc du bailleur une remise en état de lieux. Madame refuse aux motifs que monsieur Y a signé le contrat de bail sans formuler de réserves sur l’état des lieux. Que pensez-vous de cette situation ?
7-      Mr P a donné son immeuble à monsieur Z pour que ce dernier y exerce des activités de ventes de fournitures scolaires. Quelques années plus tard monsieur P a dû vendre l’immeuble pour payer les frais d’opérations de sa femme. Monsieur Z s’inquiète pour son activité professionnelle à cause du changement de propriétaire. Rassurez-le.
2 ans plus tard monsieur Z décède d’une courte maladie. Sa femme et son fils souhaite continuer son activité. Ils vous demandent s’il est possible de conserver le local après la mort de monsieur Z. si oui quelles sont les formalités à accomplir.
 
8-      Mr X a loué un immeuble depuis le 1 janvier 2018 pour une durée de cinq ans. Le 29 décembre 2022 Mr X envoie une demande de renouvellement au bailleur. Celui-ci refuse de lui accorder. Mr X estime avoir le droit au renouvellement. Qu’en pensez-vous ?
9-      Mme C a accordé un bail à durée indéterminée sur son immeuble. Cependant elle souhaite y mettre fin. Elle vous consulte pour avoir des informations sur les moyens dont elle dispose. Evaluez toutes les possibilités.
10-  Mr X souhaite mettre fin au bail de Mr Y sans lui payer d’indemnité d’éviction. Il vous consulte. Développez les hypothèses. Il est précisé que Mr Y a toujours été un bon locataire.
11-  Mr X dispose d’un bail professionnel qu’il souhaite céder à son frère. Il vous consulte pour avoir des informations dur la faisabilité d’une telle opération. Evaluez toutes les hypothèses.
12-  Mr G a signé un contrat de bail avec Mme H propriétaire sur un immeuble lui appartenant. Le contrat laisse la possibilité à Mme H d’effectuer une sous-location.
Mme H décide donc de sous-louer le local à un de ses amis pour un loyer de 300 000 alors que le loyer principal est de 250 000. Mr G vous consulte pour savoir s’il peut augmenter unilatéralement le loyer ?
 
Question de réflexions
1-      Un bail mixte peut-il être considéré comme un bail professionnel si la grande partie du local sert à l’exercice d’une activité professionnelle ?
2-      La possible tacite reconduction prévue dans un contrat de bail dispense-t-elle le preneur de souscrire à son droit au renouvellement du bail ?
3-      Quel est le sort du bail professionnel en cas de scission du preneur personne moral ?

Ikhlaas ADJITA

Add comment

Retrouvez-nous sur

Ne soyez pas timide, contactez-nous. Nous aimons collaborer et partager des idées avec des gens intéressants.