Bref aperçu de la procédure de licenciement pour motif personnel au Togo. Ce document ne saurait en aucun cas faire office ou remplacer un avis juridique formel auquel nous pourrons nous y atteler en cas de besoin.
Avant tous développements notons que la procédure de licenciement pour motif personnel concerne exclusivement les contrats à durée indéterminée.
Nous aborderons dans un premier temps, les conditions de fond régissant la procédure de licenciement pour motif personnel (1-), dans un second temps la procédure à suivre en matière de licenciement pour motif personnel (2-), dans un troisième temps, l’application de la notion de préavis (3) ainsi que la question des indemnités de rupture (4-).
La mise en œuvre de ce type de licenciement nécessite l’accomplissement de la procédure spécifique que nous exposons ci-après. Le non-respect de cette dernière est sanctionné par l’octroi de dommages-intérêts au salarié abusivement licencié.
1. Condition de fond : la légitimité du motif
1.1. Caractère réel et sérieux du motif de licenciement
Tout licenciement doit reposer sur un motif réel et sérieux. Cette règle est commune au licenciement pour motif personnel et pour motif économique.
La cause réelle est celle qui peut être objectivement établie, c’est-à-dire qui se réfère à des faits susceptibles d’être vérifiés. Elle doit être la véritable cause du licenciement. De ce fait la cause réelle s’écarte donc de la simple convenance personnelle ou des préjugés de l’employeur.
Le caractère sérieux de la cause s’apprécie par rapport à la gravité de la cause. Cette gravité doit être de nature à rendre impossible la poursuite du contrat de travail.
Il est donc préférable à l’employeur d’avoir sous la main des preuves des faits qu’il invoque pour le licenciement. Cette formalité permettra à l’employeur de prouver l’existence du caractère réel et sérieux des motifs qu’il invoque pour justifier le licenciement en cas de litige devant les tribunaux de travail.
La motivation d’un tel licenciement est essentiel et l’article 77 du Code du Travail, énonce, les éléments pouvant servir de base à cette motivation. Aux termes de l’article 77 un travailleur ne peut être licencié pour motif personnel qu’en cas de faute disciplinaire (faute simple, faute grave, faute lourde), d’insuffisance professionnelles, d’absence prolongée ou répétées, d’inaptitude constaté par un médecin du travail.
1.2. La formulation du ou des motifs de licenciement
L’employeur qui envisage de licencier un travailleur doit formuler les motifs de licenciement. Ainsi, l’employeur doit veiller à la mention des motifs du licenciement dans la lettre de convocation à l’entretien[1]. La précision du motif va permettre de limiter un éventuel contentieux aux motifs invoqués dans la lettre, sans possibilité pour l’employeur de revenir sur le motif invoqué dont il va, en quelque sorte, se trouver prisonnier, faute de pouvoir le modifier substantiellement. L’employeur devra donc prendre le soin de formuler un motif de licenciement lié à une « cause » qui pourra être établie par un ou plusieurs faits matériels.
2. Les étapes de la procédure
2.1. Convocation à l’entretien
L’étape de la convocation à l’entretien est une étape très importante dans la procédure de licenciement. L’employeur qui envisage de licencier un travailleur, au préalable, le convoque par lettre recommandée ou remise en main propre, ou par tout autre moyen de preuve vérifiable par des tiers à un entretien visant à recueillir les explications requises[2].
La lettre doit préciser la date, l’heure, le lieu de l’entretien et les motifs susceptibles de justifier le licenciement[3].
La lettre de convocation parvient ou est remise au travailleur quarante‐huit heures au moins avant l’entretien[4]. Il en résulte donc que l’entretien ne peut être prévue, au plus tôt, que le troisième jour ouvrable à compter de la date de réception de la convocation ou de la remise en main propre au salarié. La lettre doit préciser la possibilité pour le travailleur de se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise ou membre du syndicat auquel il est éventuellement affilié[5].
Lorsque le travailleur ne se présente pas à l’entretien sans motif raisonnable, l’employeur n’est point obligé d’organiser un nouvel entretien. Ce qui signifie que l’employé se prive d’un débat contradictoire au cours duquel il est en mesure de défendre ses intérêts. Dans ce cas l’employeur a le droit de procéder directement au licenciement[6].
En pratique, il est conseillé à l’employeur de constater cette absence du salarié à l’entretien par un procès-verbal. Le but ici est de se protéger contre une éventuelle action basée sur le non-respect de la procédure légale de licenciement.
2.2. Déroulement de l’entretien
Au cours de l’entretien, l’employeur peut être assisté par une personne de son choix, salarié ou dirigeant de l’entreprise. L’employé a aussi le droit de bénéficier d’une assistance qui peut être celle d’un autre salarié de l’entreprise ou d’un membre du syndicat auquel il est éventuellement affilié[7]. Lors de l’entretien, l’employeur expose au salarié les motifs susceptibles de justifier le licenciement. Il doit aussi prendre le soin de recueillir les explications du travailleur.
Les débats ne peuvent porter que sur les motifs qui figurent dans la lettre de convocation, toutes les raisons qui constituent un argument en faveur du maintien du salarié dans l’entreprise peuvent être avancées et discutées.
2.3. Décision de licenciement
2.3.1. Délai et forme de la lettre de licenciement
Le législateur a pris le soin d’encadrer le délai de licenciement d’un travailleur pour motif personnel. En effet, la lettre de licenciement, est expédiée ou remise en mains propres au travailleur au plus tôt vingt‐quatre heures et au plus tard quinze jours suivant l’entretien[8]. Il résulte de l’interprétation de cet article que l’employeur ne peut prendre de décision concernant le licenciement avant le deuxième jour qui suit la date de l’entretien préalable et après le quinzième jour qui suit la date de l’entretien préalable. Passé ce délai de quinze l’employeur est présumé avoir renoncé à son intention de licenciement et ne peut donc plus licencier le travailleur pour les motifs invoqué dans la lettre de convocation.
Lorsque l’employeur prend la décision de licencier le travailleur, il a l’obligation de notifier sa décision au travailleur par lettre recommandée ou remise en mains propres avec accusé de réception[9].
2.3.2 Contenu de la lettre de licenciement
La lettre notifiant le licenciement doit indiquer expressément les motifs invoqués par l’employeur à l’appui de sa décision[10]. Notons à nouveau toute l’importance de la formulation des motifs dans toutes les étapes de la procédure.
2.4. Cas particulier de la faute grave ou lourde
Il y’a faute grave, lorsque la faute est d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du travailleur dans l’entreprise ou l’établissement même pendant la durée du préavis[11]. La faute grave prive le travailleur de son indemnité de licenciement et de son indemnité compensatrice de préavis.
Il y’a faute lourde, lorsque la faute est commise dans l’intention de nuire à l’employeur[12]. Elle prive le travailleur de son indemnité de licenciement, de son indemnité compensatrice de préavis sans préjudice des poursuites judiciaires.
En cas de faute grave ou lourde commise par le salarié dans l’entreprise, l’employeur peut, prononcer une mise à pied conservatoire qui ne peut excéder un mois en attendant l’issue de la procédure de licenciement[13]. La mise à pied conservatoire entraînera la suspension de la rémunération pendant toute la durée. Ce procédé de mise à pied permet à l’employeur qui décide par la suite de licencier, de faire rétroagir les effets du licenciement au jour de la mise à pied. En revanche, En cas de litige, si la juridiction compétente en matière du droit du travail estime que la gravité de la faute ne justifiait pas la mise à pied conservatoire, elle en prononce l’annulation et l’employeur est tenu de rémunérer les journées de mise à pied[14]. Dans ce cas il serait préférable pour l’employeur d’engager au plus tôt la procédure de licenciement afin d’avoir à éviter de payer de trop grosse somme en cas d’avis contraire de la juridiction compétente.
A travers ce genre de disposition le législateur anticipe sur les contentieux pouvant naitre de la mise à pied conservatoire. Cependant il ne prévoit aucune disposition concernant la renonciation volontaire au licenciement par l’employeur. Qu’en est-il de cas où l’employeur renonce volontairement au licenciement ? La mise à pied conservatoire est-elle rétroactivement annulée ? Le salarié a t’il le droit de réclamer les salaires et avantages de toute nature dont il aurait bénéficié s’il avait travaillé ? Voici quelques questions auquel le code du travail togolais n’apporte pas de réponse.
2.5. Conséquence du non-respect de la loi
L’inobservation de la procédure de licenciement par l’employeur entraîne le versement au travailleur de dommages et intérêts dont le montant ne peut excéder trois mois de salaire brut[15]. On parle dans ce cas de licenciement irrégulier qui se distingue du licenciement abusif. Notons que cette indemnité est cumulable avec toutes celles auxquelles le licenciement est susceptible de donner naissance à savoir : indemnité de licenciement, de préavis, de congés payés, et les dommages et intérêts en cas de licenciement abusif.
3. Le délai de préavis
Selon l’article 74 du code du travail, un contrat de travail à durée indéterminée ne peut être rompu qu’à l’expiration d’un délai de préavis. Après avoir défini la notion de préavis (3-1), nous nous intéresserons à sa durée (3-2) et aux conséquences de l’inobservation de ce délai (3-3).
3.1 Définition du préavis
Le code du travail togolais ne définit pas la notion de préavis. Toutefois Le préavis peut être définit comme la période durant laquelle le contrat de travail continue d’être exécuté bien que l’un des parties ait notifié à l’autre sa décision de rompre.
Le préavis a pour objet de permettre au salarié de trouver un nouvel emploi et à ce titre, en vue de la recherche d’un emploi, le travailleur bénéficie pendant la durée du préavis d’un jour de liberté par semaine, pris à son choix, globalement ou heure par heure, payé à plein salaire[16]. Pendant la durée du préavis, l’employeur et le travailleur sont tenus au respect de toutes obligations qui leur incombent respectivement. En cas de faute grave ou de faute lourde, le contrat peut être résilié sans préavis car la faute grave ou lourde prive le travailleur d’une indemnité compensatrice de préavis[17].
3.2. Durée du préavis[18]
La durée du préavis varie en fonction de la qualité du travailleur. En effet, Sauf dispositions plus favorables des conventions ou accords collectifs de travail, la durée minimum du préavis est égale à : · Quinze jours pour les travailleurs payés à l’heure ;
· Un mois pour les ouvriers, employés et assimilés ;
· Trois mois pour les agents de maîtrise, cadres et assimilés.
Si le préavis est effectué, le travailleur est autorisé à s’absenter soit chaque un jour par semaine pour la recherche d’un nouvel emploi. Le travailleur est tenu de notifier par écrit à l’employeur les jours et heures retenus.
Si, à la demande de l’employeur, le travailleur n’utilise pas tout ou partie du temps de liberté auquel il peut prétendre pour la recherche d’un emploi, il perçoit à son départ une indemnité supplémentaire correspondant au nombre d’heures non utilisées[19]
3.3. Inobservation du préavis
Le législateur du code du travail tient au respect des délais de préavis, et à ce titre, il a mis en place un système de sanction contre les ruptures sans préavis. En effet, l’inobservation du délai de préavis emporte obligation, pour la partie responsable, de verser à l’autre partie, une indemnité dont le montant correspond à la rémunération et aux avantages de toutes natures dont aurait bénéficié le travailleur durant le délai de préavis qui n’aura pas été effectivement respecté[20]. Nous voyons dans cette disposition, un moyen de dissuasion des licenciements sans préavis. Mais, en même temps il s’agit d’une mesure qui permet à l’employeur de se séparer immédiatement d’un salarié indésirable sans préavis, à condition toutefois de lui verser l’indemnité compensatrice de préavis.
Réciproquement, le salarié qui ne respecte pas son obligation de préavis est condamné, au profit de l’employeur, au paiement d’une indemnité compensatrice correspondant aux salaires et avantages de toute nature dont il aurait bénéficié s’il avait respecté son obligation.
Le travailleur peut demander à ne pas exécuter tout ou partie de son préavis, mais son employeur n’est pas obligé d’accepter. S’il accepte, le contrat prend fin à la date convenue par le travailleur et l’employeur. Dans ce cas l’employeur n’est pas tenu de verser l’indemnité compensatrice de préavis pour la période de préavis non effectuée[21].
La rupture du contrat peut cependant intervenir sans préavis en cas de faute grave ou lourde sous réserve de l’appréciation par la juridiction compétente, de la gravité de la faute[22].
4. Indemnités de rupture
Hormis les éventuelles indemnités compensatrices de préavis et de congés payés, l’employé licencié a droit, sous certaines conditions, à une indemnité de licenciement (4-1) et/ou à des dommages-intérêts en cas de licenciement abusif (4- 2).
Notons que Les indemnités de licenciement sont imposables pour la fraction représentant l’indemnité compensatrice de préavis ou de délai-congé[23].
4.1. Indemnité de licenciement
4.1.1 Conditions d’attribution
Le travailleur titulaire d’un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu’il compte douze mois d’ancienneté ininterrompus au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave ou lourde, à une indemnité de licenciement[24].
On entend par ancienneté le temps pendant lequel le travailleur a été occupé d’une façon continue dans les différents établissements d’une entreprise quelles que puissent etre les modifications survenues dans la nature juridique de celle-ci[25].
4.1.2 Calcul de l’indemnité
Cette indemnité est calculée en fonction du salaire global mensuel moyen des douze mois d’activité qui ont précédé la date de licenciement[26].
Sauf disposition plus favorables des conventions ou accords collectifs de travail, les taux et les modalités de calcul de cette indemnité sont fixés comme suit[27] :
· 35 % du salaire global mensuel moyen par année de présence pour les cinq premières années ;
· 40 % du salaire global mensuel moyen par année de la sixième à la dixième année incluse ;
· 45 % du salaire global mensuel moyen par année au‐delà de la dixième année
En cas de rupture du contrat du travailleur malade ou incapable, ce dernier a droit en plus de l’indemnité de licenciement à une indemnité dont le montant est égal à celui de l’indemnité de licenciement. Le montant de cette indemnité ne peut être inférieur à un mois de salaire[28].
Cependant pour pouvoir bénéficier d’une telle indemnité, le travailleur doit au moins un an de service dans l’entreprise.
4.3. Dommages-intérêts pour licenciement abusif
Notons tout d’abord que les dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat ne se confondent ni avec l’indemnité pour inobservation de préavis, ni avec l’indemnité de licenciement, ni avec l’indemnité pour licenciement irrégulier.
L’article 84 du Code du Travail fait référence aux indemnités dues en cas de licenciement prononcé en violation des règles légales, réglementaires ou conventionnelles. En effet, tous licenciement abusif donne lieu à des dommages et intérêts dont le montant tient compte de tous les éléments qui peuvent justifier l’existence et déterminer l’étendue du préjudice causé au travailleur et notamment des usages, de la nature des services engagés, de l’ancienneté des services, de l’âge du travailleur et des droits acquis à quelque titre que ce soit.
Le montant des dommages et intérêts alloués ne peut être inférieur à trois mois de salaire brut ni excéder vingt‐quatre mois de salaire brut. Lorsque le nombre d’années restant pour l’admission à la retraite est inférieur ou égal à cinq ans, ces dommages et intérêts correspondent aux salaires et avantages de toutes natures dont le travailleur aurait bénéficié pendant la période restant à courir jusqu’à la date de la retraite.
5. L’action en justice[29]
Toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par cinq ans à compter de la notification de la rupture.
[1] Voir article 78 alinéa 3 Code du travail du Togo.
[2] Voir article 78 alinéa 1 Code du travail du Togo.
[3] Voir article 78 alinéa 3 Code du travail du Togo.
[4] Voir article 78 alinéa 2 Code du travail du Togo.
[5] Voir article. 78 alinéa 3 Code du travail du Togo.
[6] Voir article 79 alinéa 1 Code du travail du Togo.
[7] Voir article 78 alinéa 3 Code du travail du Togo.
[8] Voir article 79 alinéa 3 Code du travail du Togo.
[9] Voir article 79 alinéa 2 Code du travail du Togo.
[10] Voir article 79 alinéa 3 Code du travail du Togo.
[11] Voir article 77 Code du travail du Togo.
[12] Voir article 77 Code du travail du Togo.
[13] Voir article 80 alinéa 1 Code du travail du Togo.
[14] Voir article 80 alinéa 2 Code du travail du Togo.
[15] Voir article 80 alinéa 3 Code du travail du Togo.
[16] Voir article 82 alinéa 2 Code du travail du Togo.
[17] Voir article 77 Code du travail du Togo.
[18] Voir article 74 du Code du travail du Togo.
[19] Voir article 17 de la Convention collective interprofessionnelle du Togo.
[20] Voir article 81 alinéa 3 du Code du travail du Togo.
[21] Voir article 83 du Code du travail du Togo.
[22] Voir article 82 du Code du travail du Togo.
[23] Voir article 22 du Code général des impôts.
[24] Voir article 97 alinéa 1 du Code du travail du Togo.
[25]Voir article 36 de la Convention collective interprofessionnelle du Togo.
[26] Voir article 97 al. 2 du Code du travail du Togo.
[27] Voir article 97 al. 3 du Code du travail du Togo.
[28] Voir article 20 de la Convention collective interprofessionnelle du Togo.
[29] Article 86 du Code du travail du Togo.
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